« Les couloirs humanitaires » de Sant’Egidio
Sant’Egidio est une association italienne catholique. Fondée à Rome en février 1968 par des étudiants du lycée Virgilio dans la foulée de Vatican II. C’est une communauté de laïcs engagés qui rassemble aujourd’hui 60 000 adhérents
dans 74 pays. D’abord vouée à l’aide aux plus pauvres et à l’hébergement
des sans-abri, la communauté s’est engagée dès les années 1980 pour mener des actions diplomatiques dans des régions touchées par des conflits politiques et armés.
Une Europe forteresse, oui, mais avec des ponts-levis
Les « couloirs humanitaires » initiés par l’association italienne Sant’Egidio permettent à des réfugiés d’atteindre l’Europe et de s’y intégrer en toute sécurité et légalité. Une alternative à l’exploitation criminelle des personnes vulnérables par des trafiquants indifférents aux naufrages en mer qu’ils provoquent.
Pour ces migrants, pas de voyage dangereux par mer ou par terre ; ils sont identifiés avant leur arrivée en Europe. Pas de passeurs à rémunérer. Arrivés avec un visa et en avion, ils sont accueillis par des bénévoles d’associations locales, avec des applaudissements et des fleurs. Ces collectifs prennent en charge les frais de voyage, de visa et de premier accueil ainsi que l’hébergement et l’accompagnement dans le cadre de la procédure d’asile et de leur intégration. Ce projet a permis à quelque 8 000 réfugiés, principalement originaires de Syrie, d’Érythrée, d’Afghanistan et du Liban, de se construire une nouvelle vie en Europe, en Italie, en France et en Belgique. Il s’agit souvent de femmes avec des enfants ou des personnes souffrant d’un handicap ou d’une maladie. On les aide à s’intégrer : appropriation des lois et des habitudes locales, formation adéquate : langue, recherche d’emploi, etc. Ce processus est souvent couronné de succès, grâce à l’engagement personnel des bénévoles. Le fait qu’il n’y ait pratiquement pas de voyages ultérieurs vers de nouvelles destinations en est la preuve.
Les « couloirs humanitaires » de Sant’Egidio sont une mise en œuvre innovante des « voies légales complémentaires » initiées par le HCR. Il s’agit d’itinéraires sûrs et légaux pour les réfugiés, qui complètent les programmes de réinstallation, souvent lourds et lents, mis en œuvre par quelques États membres de l’U.E.
La Commission européenne soutient depuis quelques années les États européens qui mettent en place ces « voies légales complémentaires » moins coûteuses et plus légères.
En mai 2015 la Commission européenne déclarait : « les États membres devraient utiliser les autres possibilités légales qui s’offrent aux personnes nécessitant une protection, y compris les parrainages privés, non gouvernementaux et les titres de séjour pour raisons humanitaires ainsi que les dispositions relatives au regroupement familial. » Il y a loin des paroles aux actes ! En 2016, plus de 5000 migrants mouraient en Méditerranée. Le Conseil Européen déclarait alors : « La situation en Méditerranée est dramatique. L’Union européenne mettra en œuvre, en coopération avec les pays d’origine et de transit, tous les moyens dont elle dispose pour éviter toute nouvelle perte de vies humaines en mer et s’attaquera aux causes profondes de la détresse humaine à laquelle nous sommes confrontés. Notre priorité immédiate est de faire en sorte que plus personne ne meure en mer. »
En France, le 14 mars 2017 était signé à l’Élysée un protocole d’accord pour la mise en œuvre d’un projet de couloir humanitaire à destination des Syriens réfugiés au Liban, entre le ministère de l’Intérieur, le ministère des Affaires étrangères, la Communauté de Sant’Egidio et les églises protestante et catholique. Identifiés avant leur arrivée en Europe, les migrants obtiennent la protection internationale après le signalement de leur situation par les promoteurs du projet et l’examen de leur dossier par les autorités françaises. En avril 2021 le projet était reconduit. En trois ans, 2500 bénévoles ont accueilli plus de 500 personnes, soit 127 familles. Le projet est financé par Sant’Egidio et différentes églises, et réalisé par leurs bénévoles et donateurs.
L’arrêt de l’asile et de la migration est une illusion et un non-sens. La méthode de Sant’Egidio mérite d’être largement mise en œuvre.
Source : site Sant’Egidio, Lalibre.be www.imaginer-la-paix-paris-2024.fr
Robert de Backer – M2E