Focus

Que fait l’Europe pour améliorer notre vie en Bourgogne-Franche-Comté ?

Quelques exemples dans 4 départements qui ont permis la réalisation de projets divers et nombreux

EDUCATION / CULTURE / SANTE

VARENNES-VAUZELLES (Nièvre) : l’Ecole de la deuxième chance (E2C) accueille les jeunes de 16 à 30 ans, sans emploi ni qualification. Elle offre à ces jeunes adultes une nouvelle chance d’acquérir en alternance avec des stages en entreprise, les compétences nécessaires à leur intégration sociale, citoyenne et professionnelle. Chaque année l’Ecole de la 2ème chance accompagne environ 180 stagiaires sur le site pilote de Varennes-Vauzelles.
Montant UE 900 000 €


CLUNY (Saône-et-Loire) : l’ENSAM (Ecole nationale supérieure des Arts et Métiers) de Cluny a perçu une subvention pour trois projets :

  • ingénierie numérique de produits et de systèmes pour l’industrie du futur
  • allocation de thèse sur un projet de recherche,
  • réhabilitation des laboratoires de métrologie afin d’apporter de nouvelles compétences et connaissances dans le domaine de l’usinage de très haute précision dans le domaine de la mécanique générale.

Montant UE 355 800 €


CLUNY (Saône-et-Loire) :Visite virtuelle de l’abbatiale.
Montant UE 969000 €


CHABLIS (Yonne) : Création d’une Maison de santé. Cette Maison de santé accueille 5 professionnels de santé, représentant 4 disciplines (médecine générale, soins infirmiers, kinésithérapeute, et paramédicaux). Elle accueillera également des étudiants en médecine.
Montant UE 231 739 €

COMMERCE / INDUSTRIE

MONTMELARD  (Saône-et-Loire) : Création d’une Chaufferie communale automatique au bois déchiqueté de 80 kW de puissance unitaire installée et son réseau de chaleur pour alimenter 4 bâtiments communaux.
Montant UE 78 179 €


PERONNE (Saône-et-Loire) : La SAS GRV est spécialisée dans la construction de machines viticoles, des tracteurs enjambeurs, épandeurs, semoirs et accessoires, machines spécifiques, pour le travail de la vigne et de cultures en ligne.
Montant UE 150 291 €


LA VINEUSE (Saône-et-Loire) : Rénovation du bâtiment communal et création d’une chaufferie bois. L’ensemble des bâtiments sera chauffé par la chaufferie biomasse et abritera à terme 3 logements communaux, un foyer rural, une salle polyvalente et les ateliers municipaux.
Montant UE 46 870 €


LA QUARTE (Haute-Saône) : Création d’une unité de méthanisation. La transformation des déchets de ferme est un énorme atout pour la Bourgogne Franche-Comté, région fortement rurale. En 2023, l’Europe soutient l’initiative de la SAS Tour Métha qui cherche à produire du biogaz en installant une unité de traitement des déchets de ferme, et encourage la production d’énergies renouvelables.
Montant UE 555 564 €


MACON (Saône-et-Loire ) : Cité des Climats et vins de Bourgogne. L’Europe soutient la promotion des produits régionaux qui apportent un rayonnement économique et touristique à l’Europe. Il en va ainsi pour la Cité des Climats et vins de Bourgogne qui permet de découvrir les spécificités de ce patrimoine culturel historique via des expériences ludiques réparties sur trois sites touristiques (Beaune, Chablis, Mâcon). Montant UE 400 000 €


BRAY (Saône-et-Loire) : Projet de modernisation et d’adaptation de la production de la minoterie Forest. La minoterie Forest est une entreprise familiale depuis 1921 dont l’activité est la meunerie. Elle transforme plus de 60 000 tonnes de blé par an se plaçant ainsi 11ème au rang des moulins français. Face à un enjeu de pérennité lié à l’évolution de son marché, la société souhaite diversifier son offre de produits et augmenter ses capacités de production en investissant dans 2 principaux équipements : une refonte des silos et la création d’une nouvelle station de mélange pour augmenter et diversifier la production de farines spéciales.
Montant UE 574 525 €

FEDER / FSE

Le Fonds européen de développement régional (FEDER) est mobilisé pour soutenir les projets liés à la recherche, l’innovation, la protection de la biodiversité, le développement des PME, des énergies renouvelables et des outils numériques. Le FEDER encourage notamment le développement durable des zones urbaines, rurales et du Massif du Jura.

Le Fonds social européen + (FSE+) soutient les projets liés à la sécurisation des parcours grâce à des actions de formations et de qualification, à l’apprentissage et à la formation professionnelle

Focus

Le drapeau européen aussi nous le devons à une femme !

En 1949, deux emblèmes, le E vert sur fond blanc du Mouvement européen, et l'azur portant un cercle d'or du Mouvement Paneuropéen, se disputaient la légitimité de représenter la nouvelle Europe née des décombres de la Seconde Guerre mondiale.

Voici l’histoire. Tout commence 32 ans avant que naisse l’Union Européenne, à Strasbourg au Conseil de l’Europe. Fondé en 1949, après le célèbre discours de Winston Churchill à Zurich appelant aux « Etats-Unis d’Europe », il regroupait alors 10 Etats (1). Son but ? Promouvoir les droits de l’Homme et la culture européenne et créer un espace démocratique et juridique commun autour de la Convention européenne des droits de l’Homme sur la protection de l’individu. Il lui fallait un drapeau. On chargea une commission de créer le symbole porteur « des valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun des peuples qui le composent ». Il y eut d’abord un projet comportant une croix, puis un E majuscule de couleur verte sur fond blanc. Mais, c’était laid ou provoquant pour les non chrétiens. Par exemple, la Turquie s’opposa à cause de la symbolique religieuse de la croix ; mais elle acceptera les étoiles !

Après moult recherches portant sur plus de cent drapeaux, le service de presse du Conseil demande un projet à Arsène Heitz, artiste-peintre et fonctionnaire au même Conseil. Notre fonctionnaire conçoit un drapeau bleu sur lequel se détachent 15 étoiles d’or (les 15 Etats du Conseil qui en compte aujourd’hui 46). Il est adopté officiellement le 8 décembre 1955 mais avec 12 étoiles. Les membres du Conseil optèrent en effet pour la symbolique fédératrice du chiffre 12 (les 12 mois de l’année, les 12 heures de la journée, les 12 signes du zodiaque, les 12 travaux d’Hercule, etc). Le drapeau fut approuvé avec enthousiasme. On connaît sa description officielle (2) : « Sur le fond bleu du ciel, les étoiles forment un cercle en signe d’union. Elles sont au nombre invariable de douze, symbole de la perfection et de la plénitude, qui évoque aussi bien les apôtres que les fils de Jacob, les travaux d’Hercule, les mois de l’année ».

En 1986, les Communautés européennes (Ceca + Euratom) regroupant 12 pays adoptent le drapeau à la suggestion du Conseil de l’Europe (3) et du Parlement européen (4). Pour la petite histoire, il fallut attendre le traité de Lisbonne (2007) pour que le drapeau, l’Hymne à la joie, la devise « Unis dans la diversité » soient définis comme symboles de l’Union EU. 16 Etats seulement les reconnurent, sans la France !

La France reconnaîtra le drapeau en 2017 à l’initiative d’Emmanuel Macron. Voici comment. Le 3 janvier 2017, sur France Inter, le candidat Insoumis Jean-Luc Mélenchon vitupère contre le « caprice communicatoire » d’Emmanuel Macron qui avait fait installer le drapeau européen sous l’Arc de Triomphe pour célébrer le début de la présidence française de l’U.E. Il déposera un amendement, qui sera rejeté, visant à retirer aussi le drapeau européen de l’Assemblée nationale, pour le remplacer par celui de l’Organisation des Nations unies. « On est obligé de supporter ça ? » s’était exclamé Mr Mélenchon en entrant dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale mardi 20 juin. « C’est la République française ici, c’est pas la Vierge Marie » ! Emmanuel Macron annonça qu’il allait officiellement reconnaître le drapeau bleu et or lors d’un sommet de l’UE afin qu’il ne puisse plus être « enlevé de l’hémicycle ». Ce fut la foire d’empoigne. « Monsieur le président, vous n’avez pas le droit d’imposer à la France un emblème européen confessionnel » déclarera Jean-Luc Mélenchon (5). Le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, réclamera la tenue d’un référendum. Le vice-président du Front national Louis Alliot, jugera que la reconnaissance du drapeau européen demande « une modification de la Constitution » et Florian Philippot (FN à l’époque) parlera de « torchon de l’oligarchie européiste »

Confessionnel, le drapeau européen ? Jean-Luc Mélenchon avait-il raison ? Oui et non.


La médaille miraculeuse de la rue du Bac à Paris

En effet, Arsène Heitz notre fonctionnaire artiste-peintre a raconté s’être inspiré d’une médaille en vente chez les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, à la rue du Bac à Paris. Cette médaille montre la Vierge les bras ouverts et au revers, le M de Marie, surmonté d’une croix, entouré de douze étoiles. Créée en 1832 en pleine épidémie de choléra à Paris, elle représente l’apparition qu’avait eue Catherine Labouré, religieuse de la rue du Bac. A partir de cette petite médaille, A. Heitz conçoit un drapeau bleu sur lequel se détachent 15 étoiles d’or. Son projet sera adopté officiellement le 8 décembre 1955 mais il se gardera bien de révéler la source de son inspiration. Les membres du Conseil de l’Europe n’y virent que ciel bleu sans nuage, et y imprimèrent la symbolique rassembleuse du chiffre 12 (les 12 mois de l’année, les 12 heures de la journée, les 12 signes du zodiaque, les 12 travaux d’Hercule, etc.). Ils l’approuvèrent avec enthousiasme. Ce drapeau fut adopté par toutes les Communautés européennes en 1986 avec l’arrivée du Portugal et de l’Espagne qui donna naissance à « l’Europe des 12 » et en 2007 comme symbole de l’UE. (Traité de Lisbonne).

En 1989, soit 34 ans après l’adoption officielle du drapeau, une revue catholique confidentielle Magnificat, relate qu’Arsène Heitz se disait très fier que le drapeau de l’Europe soit inspiré par Notre-Dame. Sa veuve confirmera l’histoire en justifiant la discrétion de son mari : « Il fallait garder le secret, car il n’y a pas que la religion catholique en Europe« . (6) Sans compter tous les athées qui auraient fait retoquer son projet, à commencer par la France, Etat laïque par nature.

 Ainsi à notre insu l’Union européenne a été placée sous le signe de Marie, reine des Cieux.

La médaille dont s’est inspiré Heitz renvoie évidemment aussi au texte de l’Apocalypse 12, 1 « Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles ».

L’inspiration religieuse du drapeau européen, peu connue du grand public, peut choquer nos concitoyens épris d’esprit laïc. Mais convenons-en, la référence à la Vierge est discrète, secrète même, et neutre.

L’Union européenne n’a jamais fait mention de cette inspiration. Officiellement, le cercle d’étoiles dorées symbolise les idéaux d’unité, de solidarité, d’harmonie entre les peuples d’Europe. La médaille de la rue du Bac a été un catalyseur ; elle est absente du résultat final, irréprochablement laïque, fruit d’un travail collectif et d’un compromis entre les nations membres du Conseil de l’Europe, tel que le relate le Belge Paul M. G. Lévy, qui était alors directeur de l’Information et de la Presse au Conseil de l’Europe ainsi que Robert Bichet président du « Comité ad hoc pour un emblème européen » qui ont participé à ce titre à l’élaboration du drapeau. Ce ne fut pas le travail d’un seul homme, inspiré par la religion catholique. En définitive le drapeau plaît, ce qui est l’essentiel et il est porteur de sens, celui de la devise de l’Europe « l’union dans la diversité ».

sources : Le Monde, La Croix, La Vie, Libération, Public Sénat, France Info. Et Le drapeau de l’Europe de Robert Bichet (1985).

  1. Le Conseil de l’Europe a été fondé le 5 mai 1949 par le traité de Londres, signé dans la même ville par dix pays : Belgique Danemark, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Norvège, Suède, Pays-Bas et Royaume-Uni ; en 1950, Grèce, Turquie, Islande et Allemagne de l’Ouest les rejoindront.
  2. Site internet du Conseil de l’Europe
  3. Précisons qu’à l’époque, la Communauté européenne du charbon et de l’acier, ancêtre de notre Union Européenne ne comprenait que six états fondateurs : France, Belgique, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, et ce qu’on appelait alors l’Allemagne de l’Ouest. Ce drapeau fut adopté par toutes les Communautés européennes en 1986 avec l’arrivée du Portugal et de l’Espagne qui donna naissance à l’Europe des 12.
  4. En 1983, le Parlement européen élu au suffrage universel en 1979 a opté pour le drapeau et proposé qu’il devienne l’emblème de la C.E.E. (L’Union Européenne ne naîtra qu’en 1992 par le traité de Maastricht.) Il siégeait alors à Strasbourg pour les sessions ordinaires dans un bâtiment loué au Conseil de l’Europe qui arborait le fameux drapeau
  5. M. Mélenchon invoquait aussi le rejet par les Pays-bas et la France du traité constitutionnel européen, en 2005, qui précise la description du drapeau dans la partie IV, article 1, qui « vaut décision du peuple français ». Mais ni la couleur ni le motif de la bannière européenne n’étaient à l’époque le motif du « non » au référendum, qui mêlait surtout des considérations souverainistes et un refus de la mondialisation néolibérale. Le traité de Lisbonne, adopté en 2007, ne fait plus référence au drapeau. En revanche, dans la déclaration 52 qui lui est associée, seize pays ont reconnu le drapeau étoilé comme le symbole de leur appartenance à l’Union européenne : La France n’en faisait pas partie.
  6. Plus tard apparaît dans la revue L’Appel de Notre Dame un texte écrit en août 1995 à la demande de l’abbé Ch. Sauter aumônier de l’Hôpital de Cluny. L’auteur affirme avoir rencontré par hasard à Lisieux « un monsieur qui m’a dit « c’est à moi qu’on a demandé de dessiner le drapeau de l’Europe » et qui lui raconte toute l’histoire …(A titre d’information locale invérifiable).

Focus

A Douai, « parler d’Europe, c’est l’art de parler à une salle vide »

Photo de Christian Rault pour La Croix

Élections européennes 2024.

« Dans cette commune du Nord, où les investissements européens façonnent la ville et le quotidien des habitants, la campagne pour les élections européennes ne suscite pas ou peu d’intérêt. Sur ce territoire prisé de l’extrême droite, seule la candidature du président du Rassemblement national, Jordan Bardella, émerge ». Paul de Coustin, à Douai (Nord), La Croix le 19/04/2024.

Lundi 15 avril, se tenait à la Maison de l’Europe de Douai (Nord) une conférence à l’approche des élections européennes attirant peu d’intéressés. Le département bénéficie pourtant d’investissements importants de la part de l’Union européenne.

La directrice de la Maison de l’Europe de Douai (Nord), la plus ancienne en France, qui en compte désormais une trentaine, a l’habitude. Les événements qu’elle organise avec cette association d’information et de promotion d’une « Europe unie », créée en 1954, font rarement le plein. « Jean-Louis Bourlanges, actuel député MoDem et député européen de 1989 à 2007, nous avait dit que “parler d’Europe, c’est l’art de parler à une salle vide”. C’est une formule qui m’a marquée », confie Karine Evanno avec un sourire triste. Le thème abordé ce 15 avril, alors que la campagne pour les élections européennes est désormais bien lancée, vise pourtant à répondre à une question que de nombreux électeurs se posent : « L’Europe, à quoi ça sert ? »

Des investissements mal connus

À Douai, l’Europe a un impact concret. « On fait beaucoup de choses avec l’argent de l’UE », explique Frédéric Chéreau, maire PS de la ville depuis 2014. Des fonds européens ont par exemple été investis dans « la passerelle piétonne », équipement phare du projet EuraDouai, qui reliera la gare à ce nouveau quartier d’affaires. L’Europe participe aussi au « renouveau du bassin minier, ou encore au canal Seine-Nord », liste l’édile. « Mais ça, le citoyen ne le sait pas. »« Dans le cadre de la politique de cohésion, certaines zones du Nord-Pas-de-Calais ont reçu des aides équivalentes à certains territoires de Roumanie », avance Karine Evanno. Ainsi, la région Hauts-de-France a bénéficié de 1,7 milliard d’euros de fonds européens pour la période 2014-2020, et devrait recevoir au moins 1,1 milliard d’euros entre 2021 et 2027. « Les gens ne s’en rendent pas compte », soupire la directrice de la Maison de l’Europe douaisienne.

Les 450 millions d’euros investis en octobre 2023 dans la construction en cours d’une usine de batteries électriques, accolée à l’usine Renault, en périphérie proche de la commune de 40 000 habitants, sont emblématiques. Cette « méga-usine » doit permettre « la création d’environ 1 200 emplois directs dans les trois prochaines années, et jusqu’à 3 000 à horizon 2030 », selon la Commission européenne. Chez Renault, l’usine de Douai est un élément moteur de l’électrification de sa gamme, pour se conformer à la réglementation européenne qui interdit la vente de véhicules neufs à moteur thermique en 2035.

Ce « second souffle industriel » a déjà entraîné une centaine d’embauches et suscité « un engouement collectif », selon Christophe Faidherbe, secrétaire général du syndicat Force ouvrière à Renault Douai, même s’il reste « prudent » sur la réussite du « pari du 100 % électrique ». « On n’avait pas connu ça depuis 2009 », confirme Gérald Owczarek, délégué syndical central chez FO, qui salue « de belles perspectives » après « des décennies de désindustrialisation » dans le Nord, et « des années de chômage » pour les actifs de Douai.

« Les gens sont écœurés de la politique »

À 13 heures, les portillons de sécurité de l’usine se mettent à tourner dans le sens de la sortie. C’est la fin de la journée pour l’équipe du matin, qui a démarré aux aurores. Des centaines de salariés se déversent vers leurs voitures garées sur l’immense parking visiteurs. Fatigués, pressés, peu sont disposés à discuter de la politique européenne et des élections à venir: « J’ai pas le temps », « je m’en fous », « j’ai rien à dire », répondent-ils, pressant le pas vers leurs véhicules, dont les portes claquent ostensiblement.

Une minorité se prête toutefois au jeu. « L’argent de l’Europe, c’est bien, ça crée quelques emplois, mais on n’arrive même pas à recruter », souffle Reynald, 52 ans, qui regrette que « les jeunes ne veuillent plus bosser » et préfèrent « profiter du système ». Pour lui, l’Union européenne, c’est « trop de contraintes et trop d’immigration ». Il ira voter pour Marion Maréchal, la tête de liste du parti d’extrême droite Reconquête !, en juin prochain. Lucas, lui, « ne vote pas ». L’Europe, « ça ne sert pas à payer les factures » alors que « tout coûte cher ». Le trentenaire constate à regret qu’aujourd’hui « c’est chacun pour sa gueule » parce que « les gens n’ont plus les moyens de penser à autre chose qu’à survivre. Alors les élections européennes, franchement… », lâche-t-il.

« Ici, l’Europe, personne ne sait comment ça marche, et personne n’en parle », observe David Dubois, secrétaire général CGT de Renault Douai. « Les gens ne font pas le lien entre leur boulot et les investissements européens ». Il décrit des personnes qu’on a peu à peu « écœurées de la politique ». Et cite pêle-mêle « les magouilles de la gauche dans le Nord », « les gilets jaunes », « la réforme des retraites et le 49.3 » ou «  ’inflation ». Un « climat général », que confirme Gérald Owczarek, qui « pousse les gens à l’abstention ou au vote contestataire ».

Cette fronde s’observe dans les résultats électoraux. En 1992, les Douaisiens avaient approuvé, à une courte majorité de 50,98 %, la ratification du traité sur l’Union Européenne ; 35,35 % d’entre eux s’étaient abstenus. Treize ans plus tard, avec une abstention similaire, une large majorité (62,19 %) a voté contre le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Un rejet supérieur à celui de l’ensemble des Français (54,68 % de non), qui ne sera pas pris en compte politiquement. « La cicatrice du référendum de 2005, dont le résultat n’a pas été respecté, est encore ouverte », prévient ainsi Nicolas Froidure, militant écologiste à Douai, qui observe lui aussi une « image dégradée de la politique en général, et de l’Europe en particulier ».

Fonds européens : la France donne plus qu’elle ne reçoit.

Entre 2015 et 2020, la France a versé en moyenne 22,2 milliards par an au budget de l’Union européenne ; et 28 milliards entre 2021 et 2023.

La France est le deuxième contributeur derrière l’Allemagne et devant l’Italie.

94 % du budget européen finance des programmes et des politiques dans les États membres. C’est la Pologne qui en capte la plus grande partie (16,3 milliards en 2018), devant la France (14,8) et l’Espagne (12,3).

Dans le cadre de la politique de cohésion qui finance des projets dans les transports, l’environnement ou l’emploi, la France devrait bénéficier d’environ 16,8 milliards d’euros entre 2021 et 2027.

La France est par ailleurs la première bénéficiaire de la politique agricole commune (PAC). Elle recevra plus de 9 milliards par an entre 2023 et 2027.

Focus

Que fait l’Union Européenne pour améliorer ma vie ?

En tant que citoyen de l’Union européenne, vous pouvez vous déplacer librement au sein de l’Union et votre passeport vous permet d’entrer sans visa dans plus de 140 pays. Les États membres de l’Union ne disposent pas tous d’une ambassade dans chaque pays du monde. Mais à l’étranger, tous les citoyens européens peuvent bénéficier de la protection consulaire de l’Union européenne qui assure à chaque citoyen de l’Union européenne l’assistance de l’ambassade de n’importe quel pays membre de l’Union, si votre pays n’a pas d’ambassade ou de consulat là où vous vous trouvez.

Pour vos voyages à forfait et les prestations qui y sont liées, vous disposez de « droits bien définis »avant et pendant toute la procédure de réservation et jusqu’à la fin de vos vacances.

La carte européenne d’assurance maladie (CEAM) est un document permettant à un ressortissant de l’Union européenne de bénéficier des soins dans un autre État membre que le sien. Cette mesure a été approuvée lors du Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002 dans le cadre du « Plan d’action sur les compétences et la mobilité, destiné à supprimer les principaux obstacles à la mobilité professionnelle et géographique au sein de l’UE pour 2005 ». Vous pouvez obtenir cette carte gratuite sur simple demande.

Votre Banque facture les mêmes frais pour vos paiements en euros dans toute l’UE comme pour vos transferts nationaux. Les virements sont réalisés en 24 heures.

Un chargeur universel pour les appareils électroniques (ordinateur, tablette, téléphone, casque…) ne concerne pas seulement l’UE mais le monde entier.

Pour votre téléphone, il n’y a pas de frais supplémentaires pour passer ou recevoir des appels et des SMS dans l’UE. Pour un achat sur internet, grâce à l’UE, vous pouvez le restituer dans un délai de 14 jours. Et pour tout achat vous avez une garantie minimale de 2 ans (il pourra être réparé, remplacé ou remboursé).

Focus

Enrico Letta sur l’économie de l’Europe

L’ancien premier ministre italien Enrico Letta, à Bruxelles, le 17 avril  2024
KENZO TRIBOUILLARD / AFP

« C’est le décrochage du décrochage, on ne peut plus attendre »

Dans son rapport sur le marché intérieur européen, présenté jeudi, l’ex-premier ministre italien propose d’utiliser l’épargne européenne pour financer les transitions verte et numérique, ou de mutualiser 10 % des aides d’Etat. Il détaille ses idées dans un entretien au Monde (1).

L’ancien premier ministre italien Enrico Letta a présenté, jeudi 18 avril au matin, son rapport sur le marché intérieur aux Vingt-Sept réunis à Bruxelles. Pendant huit mois, il a sillonné l’Union européenne (UE), rencontré tous les chefs d’Etat et de gouvernement européens ainsi que des représentants des entreprises, de la société civile ou des intellectuels.

Le marché intérieur de Jacques Delors, à qui vous dédiez ce rapport, est-il à la hauteur des attentes ?

Une minorité d’entreprises et de citoyens en Europe – la plus cosmopolite, la plus éduquée – bénéficie des avantages du marché intérieur, alors qu’aux Etats-Unis ou en Chine les acteurs économiques investissent l’intégralité de leur marché. Prenez nos PME : seules 17 % d’entre elles en profitent. Et on ne compte que 3 millions d’Européens qui travaillent, au sein de l’Union, dans un autre pays que le leur. Cette faiblesse a des répercussions sur la croissance et explique une partie du décrochage de l’UE face aux Etats-Unis et à la Chine.

Les Européens n’investissent donc pas assez ce grand marché ?

Ils ne profitent que très peu des effets d’échelle que leur offre le marché intérieur. Dans trois secteurs en particulier (l’énergie, les télécoms et les marchés financiers), le marché intérieur n’existe pas. Quand Jacques Delors a créé celui-ci, il y a bientôt quarante ans, les Etats membres ont souhaité qu’ils en soient exclus. Aujourd’hui, on rate le train dans ces domaines à cause de la fragmentation du marché.

C’est-à-dire ?

Je vais vous donner un exemple. Un opérateur télécom chinois aujourd’hui a, en moyenne, 467 millions de clients, un américain en compte 107 millions et un européen…, 5 millions ! On dénombre en Europe plus de 100 opérateurs télécom, on a divisé le marché en vingt-sept, c’est un désastre industriel.

Comment remédier à cet état de fait ?

Le marché intérieur est très XXsiècle. Quand il a été conçu, les grands pays européens étaient les grands pays du monde. Pour continuer sur l’exemple des télécoms, dans les années 1980 et 1990, les Européens étaient à la pointe de l’innovation. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. C’est pour cela, je pense, qu’il nous faut créer une cinquième liberté pour la recherche, l’innovation et les compétences, aux côtés des quatre libertés de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes du marché intérieur. Qui plus est, les règles en matière de concurrence dans ces secteurs stratégiques que sont les télécoms, l’énergie et les marchés financiers doivent évoluer : l’antitrust européen ne doit plus se prononcer en fonction de l’état de la concurrence dans un seul pays de l’UE, mais à l’échelle du continent.

Vous militez donc dans ces secteurs pour des champions européens, quitte à ce que cela se traduise pour les consommateurs par des hausses de prix ?

Il ne s’agit pas de faire comme aux Etats-Unis. Mais de faire une Union européenne dans ces secteurs, en protégeant le consommateur, pas d’être vingt-sept pays côte à côte. Dans les télécoms, il ne s’agit pas de passer à trois opérateurs comme aux Etats-Unis, mais, peut-être, à une vingtaine.

Selon la Commission, les Européens devront investir 650 milliards d’euros par an pour financer les transitions verte et numérique. Où va-t-on trouver cet argent ?

Il va falloir financer ces transitions, sinon la réaction des citoyens sera celle des agriculteurs qui ont manifesté partout en Europe en ce début d’année. Ils diront : ce n’est pas moi qui vais payer pour cette transition. Après les agriculteurs, il y aura les salariés de l’industrie automobile, les propriétaires de maisons individuelles, etc. Il y a deux autres chantiers qu’il faut financer au premier rang desquels le coût pour les Vingt-Sept de l’élargissement à l’Ukraine, notamment. C’est un problème politique énorme. Beaucoup d’Etats membres, je pense bien sûr à la Pologne, qui étaient favorables à l’adhésion de Kiev, s’interrogent désormais. Tous ceux qui touchent des fonds de cohésion et des aides de la politique agricole commune comprennent que ça va leur coûter cher. Il faudra des fonds pour les aider.

Et le deuxième chantier ?

C’est l’industrie européenne de la défense. On ne peut pas continuer comme ça : 80 % des équipements matériels qu’on a achetés pour aider l’Ukraine ne sont pas européens ! C’est le chiffre de la honte. On a dépensé de l’argent des contribuables européens pour créer des emplois en dehors de l’UE, aux Etats-Unis, en Turquie ou en Corée du Sud.

Comment financer tous ces besoins ?

On a deux courants au sein des Vingt-Sept. Un premier bloc de pays (la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal ou la Belgique) est favorable à un deuxième plan de relance, financé par les Vingt-Sept, à l’image de ce que l’UE a fait après la pandémie de Covid-19. Un autre groupe (les pays nordiques, les Pays-Bas, l’Allemagne) y est opposé. Il faut réussir à rapprocher ces deux camps.

Que préconisez-vous ?

Pour faire converger les deux camps, il faut chercher un moyen de trouver des financements privés, ne pas se limiter au financement public. L’Europe est le continent qui épargne le plus au monde. D’après la Banque centrale européenne et la Banque de France, chaque année, 300 milliards d’euros de cette épargne s’investissent aux Etats-Unis, dans des entreprises américaines, qui ensuite viennent en Europe racheter nos entreprises. Tout cela parce que nos marchés de capitaux sont fragmentés et insuffisamment attrayants.

Cela fait dix ans qu’on nous parle de faire l’union des marchés de capitaux. Les Européens n’arrivent pas à s’entendre. Pourquoi cela bougerait-il aujourd’hui ?

Il ne s’agit pas de faire l’union des marchés de capitaux pour faire l’union des marchés de capitaux. Aucun chef d’état et de gouvernement ne dépensera du capital politique pour de la finance. Il s’agit de créer une union de l’épargne et des investissements qui permettra de mobiliser l’épargne privée pour financer les transitions verte et numérique. Ce sera la réponse européenne à l’Inflation Reduction Act des Etats-Unis.

Ce serait donc un premier pilier de financement privé pour ce mur d’investissements auquel sont confrontés les Européens. Et pour le reste ?

Je propose un plan de relance, avec une capacité budgétaire commune, sur le modèle de ce qu’on a fait après la crise liée au Covid-19, mais plus petit et plus ciblé. Un plan de relance qui permettrait donc de déployer une politique industrielle européenne, en conditionnant le versement des aides. Par ailleurs, pour compléter le dispositif, les capitales qui recourent à des aides d’Etat devraient en allouer 10 % à un pot commun, qui financerait aussi la politique industrielle européenne avec des investissements communautaires dans la transition des autres pays membres.

Ce serait une sorte d’amende contre la fragmentation du marché intérieur ?

En quelque sorte, oui. En 2022, comme en 2023, cela aurait permis de mobiliser entre 20 milliards et 30 milliards d’euros.

Qu’est-ce qui vous fait croire que les Etats membres sont prêts à vous suivre ?

Ce sera à eux de décider. Mais j’ai parlé avec tous les chefs d’Etat et de gouvernement européens. Ils sont tous préoccupés par le décrochage économique de l’UE par rapport aux Etats-Unis.

Voilà vingt ans qu’on parle du décrochage de l’UE…

Les dernières années ont été à cet égard dramatiques. Le décrochage a commencé au début des années 2000, mais s’est nettement accentué vers 2016-2017, quand, après la crise financière, les Etats-Unis sont repartis et pas nous. On peut se dire qu’il est naturel avec la Chine, parce qu’ils sont plus grands que nous. Avec les Etats-Unis, en revanche, qui font notre taille et qui vont beaucoup mieux, cela signifie que nous avons un problème. Aujourd’hui, c’est le décrochage du décrochage, on ne peut plus attendre.

L’UE paye-t-elle encore les conséquences de la politique d’austérité qu’elle a menée après la crise financière ?

L’UE a tellement peur de se retrouver dans une nouvelle crise qu’elle est hyperprudente. Les Etats-Unis, eux, savent prendre des risques.

Avant le vôtre, beaucoup de rapports ont été enterrés…

Le plus grand ennemi de mon rapport va être le tiroir. L’objectif, c’est d’éviter qu’il finisse dans un tiroir. C’est pour cela aussi que tout ce que je propose est certes ambitieux, mais surtout faisable.

(1)Propos recueillis par Virginie Malingre (Bruxelles, bureau européen)