IMPRESSIONS DE BERLIN
Quelques jours à Berlin pour casser les murs et ouvrir à la paix.
Une ville blessée
Jamais je n’aurais imaginé tant ressentir à Berlin la blessure d’un monde en dérive.
Impossible d’échapper à l’horreur de la guerre 14-45 tant celle-ci transpire de partout, 80 ans après sa fin. Mais est-ce la situation internationale actuelle qui, préoccupante, me rappelle à chaque coin de rue, que la violence rôde toujours prête à resurgir.
Berlin n’est plus qu’à 700km de Kaliningrad (enclave russe) et à 900km de Lviv, en Ukraine, pays envahi par la force avec intention d’annexion par la Russie.
Plus loin, au fond de la Méditerranée, des murs de 7 mètres de haut tentent de former une frontière étanche entre deux peuples après que l’un fut exclu de ses terres (la nakba, la catastrophe) par des migrants venus d’ailleurs après avoir eux-mêmes subi une catastrophe.
Or à Berlin ces dramatiques événements sont inscrits dans sa chair :
- Partout au long des rues ces petits carrés de bronze (10cmx10cm, Stolpersteine) font mémoire des arrestations de Juifs et des meurtres en camp d’extermination ;
- Un Mémorial de l’Holocauste, indestructible, composé de milliers de blocs de béton sur 15000 m2 devant le Parlement allemand à la Porte de Brandebourg.
- Un Musée du Judaïsme au sud de l’ancien check-point Charlie où se mêlent les pratiques du judaïsme à l’histoire des expropriations et massacre et à une salle nue de silence qui seul traduit l’indicible.
- Des frontières étanches : un peuple divisé en 1945 entre est et ouest ; un Mur construit en août 1961, non pour freiner l’arrivée de migrants mais pour interdire à son propre peuple de partir à l’ouest retrouver sa famille divisée ou simplement partir pour un monde de liberté (mur de protection antifasciste, ainsi nommé par la RDA et Mur de la honte par la RFA).
- Une ville théâtre de la dictature nazie et de l’extermination ou la sculpture de Käthe Kollwitz (mère tenant dans ses bras son enfant mort) dans la « Neue Wache » prend tout son sens.
- Une ville d’immigration où de multiples nationalités se côtoient dans une ville monde et participent au renouveau de Berlin.
- Une ville détruite, blessée où partout on s’active à la reconstruction, à l’édification de musées (peinture, sculpture, mémoriaux) pour préserver à la fois le génie humain et à la fois attirer l’attention sur la mince frontière entre paix et violence, ouverture et fermeture.
Une nouvelle naissance
Mais dans cette ville témoin du pire, prend corps une nouvelle naissance et un désir de vivre avec des racines retrouvées :
- Des palais gouvernementaux reconstruits dans la modernité (Bundestag, Bundesrat et nouvelle Chancellerie) avec cette coupole pour tenter de voir le monde et le futur à 360° et permettre au peuple d’avoir un regard direct surplombant les travaux de ses représentants.
- Près de la Potsdamer Platz un ensemble architectural splendide avec place couverte, la Philharmonie de Berlin et le musée de peinture (Gemäldegalerie).
- A l’autre bout du Tiergarten, l’Eglise de la mémoire, splendide octogone de lumière qui jouxte l’ancienne église du souvenir, ruine des bombardements : (octogone appelé familièrement le « poudrier » comme élément d’esthétique qui cache les ravages de la violence).
- L’église mémorial des Huguenots (Französischer Dom sur le Gendarmenmarkt) en pleine rénovation pour se souvenir de l’accueil des étrangers persécutés fuyant la France de Louis XIV.
- Et puis, la vie « sans souci » au bout du parc du même nom, sur les bords de la Spree où on danse, avec bière qui coule à flot, vie étudiante et jeunesse tournée vers l’avenir.
Des élections européennes avec une campagne très présente et active.
- enfin partout la campagne pour les élections européennes du 9 juin 2024 est partout présente, entre les placards publicitaires qui trônent dans les rues et boulevards et dans les journaux.
- Au cœur de l’Europe, près des frontières de l’Est et au lieu où les murs sont tombés, je mesure à quel point notre ensemble européen est un essentiel vital. Berlin, lieu de rencontre et de dialogue m’invite au respect de l’autre, « unis dans la diversité ».
A Berlin, le 1er juin 2024, Philippe Mayaud